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HADOPI Épisode III – Le retour d’ACTA

L’envie de sombrer dans une dérive liberticide n’est pas uniquement française.

La CJUE estime que tout filtrage de contenus sur Internet ne peut être imposé légalement que s’il est certain qu’il ne bloque que les contenus dont la diffusion est illégale. Mieux, en rappelant que « la réponse à la question de la licéité d’une transmission dépend également de l’application d’exceptions légales », la CJUE rappelle que la violation des droits d’auteur dépend de chaque situation. La loi accorde des exceptions légales aux citoyens, et toute mesure de filtrage qui aurait pour effet de priver l’utilisateur de la jouissance de ces exceptions serait disproportionnée.

Or, les ayants droit veulent obtenir des tribunaux qu’ils bloquent des sites entiers, tels que MegaVidéo, MegaUpload ou RapidShare, au prétexte qu’ils seraient majoritairement utilisés pour pirater. Mais ces sites ne sont pas illégaux en soit, et diffusant aussi des contenus licites, c’est bien un filtrage beaucoup plus chirurgical qu’il faudrait réaliser.

On sanctionne une solution technique, on lutte contre « la forme ».

Pour pouvoir déterminer à quel moment le vecteur technique est illicite, il faudrait inspecter les contenus.

Mais cela porterait atteinte au droit à la protection des données personnelles, ce qu’a tenté de faire le traité ACTA au niveau international.

Épisode 3 – On a échappé à ACTA

ACTA – Anti Counterfeiting Trade Agreement – est un traité discret, d’aucuns diront secret dont les négociations ont commencé en 2007 et ont abouti à une ratification le 4 octobre dernier par huit pays : les Etats-Unis, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la Corée du Sud le Maroc et Singapour.

L’union européenne, qui n’est pas encore signataire, avait manifesté un vif enthousiasme, même si désormais il est acquis qu’elle ne le ratifiera pas.

L’objet de cet accord est le renforcement de la coopération internationale en matière de lutte contre la contrefaçon notamment numérique. Objectif louable.

Pourtant, cet accord a été vivement critiqué, tout d’abord en raison de l’opacité de ses négociations dont l’existence a été révélée par le site Wikileaks en Mai 2008.

Toutefois, ce sont là encore les moyens qui seront stigmatisés.

L’arsenal prévu était très clairement attentatoire au libertés:

  • Coupure de l’accès internet après trois mises en demeure
  • Mise en jeu de la responsabilité des fournisseurs d’accès en les rendant responsables des contenus
  • Inspection des contenus informatiques aux frontières et destruction des supports (ordinateurs, MP3, etc..) si découverte de fichiers illégaux
  • Possibilité pour les ayants-droits d’avoir accès aux informations personnelles d’un internaute s’il est suspecté d’avoir téléchargé du contenu illégal, et ce sans avoir recours à un juge.
Qu’elle serait la solution?

Ce serait sans doute de remettre au premier plan les acteurs principaux de la contrefaçon : les ayants droits et le juge judiciaire.

Les ayants droits seraient-ils si impuissants à se défendre qu’ils ne puissent que faire appel à une autorité administrative pour faire valoir leurs droits.

Il faut donner aux ayants droits les moyens techniques de lutter mais l’objectif doit être de protéger le contenu, pas de se prémunir contre la technique.

Ex: YouTube met en place des services qui permettent de lutter contre la mise en ligne de contenus protégés
Photoshop a mis en place une balise dans ses codes.

La technique doit revenir du côté des ayants droits; certaines industries ne se sont pas laissées distancées: jeu vidéo, logiciels.

Donc il n’y a pas de fatalité.

Devons-nous laisser nos craintes, aussi légitimes soient-elles, nos manque-à-gagner, aussi cruels soient-ils, justifier l’application d’un régime juridique empiétant gravement sur nos droits universels ?

A suivre…

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